ALICOM 99/7





Conférence sur le commerce international des denrées alimentaires au-delà de l'an 2000: décisions fondées sur des données scientifiques, harmonisation, équivalence et reconnaissance mutuelle
Melbourne (Australie), 11-15 octobre 1999

Approches fondamentales de la protection des consommateurs -
La loi modèle FAO/OMS sur le contrôle des aliments -
Les procédures de contrôle

par

Ezzeddine Boutrif et Catherine Bessy,
Division de la nutrition et de l'alimentation


Table des Matières


I. Introduction : Contrôle alimentaire - objectifs et éléments

1. Les systèmes nationaux de contrôle alimentaire ont une double mission :

2. Les opérations liées au contrôle alimentaire vont bien au delà d'une répression de type policier. Encourageant des pratiques loyales, elles visent notamment à réduire les pertes en denrées alimentaires lors des opérations de production, transformation, entreposage, transport, vente etc. Ceci a pour effet d'augmenter la disponibilité des denrées alimentaires, et de promouvoir la sécurité alimentaire au niveau mondial.

3. Un système de contrôle alimentaire repose sur un ensemble d'éléments complémentaires, et l'efficacité de l'ensemble du système se mesure avec celle de chacun de ses éléments.

4. Le cadre du contrôle alimentaire étant ainsi défini, la présente intervention se concentrera sur les aspects liés à la législation alimentaire, prise au sens large, et aux procédures de contrôle.

II. Législation alimentaire

A. HISTORIQUE

5. Historiquement, les premières dispositions légales sur l'alimentation remontent à l'Antiquité; le Moyen Age développa cette approche en particulier en termes de protection contre la fraude. Cependant il faudra attendre le 19ème siècle et la révolution industrielle pour connaître les prémisses d'une réglementation plus systématique. Celle-ci est concommitante au développement industriel, qui dépasse le cap de la production artisanale et familiale, et à l'émergence de véritables problèmes de santé publique liés à l'alimentation. La première loi générale moderne, née en Grande Bretagne, date de 1860, traitant de la prévention de la fraude dans les aliments et les boissons.

6. Au début du 20ème siècle, en 1905, la France vote sa loi sur la répression des fraudes, qui, bien que modifiée plusieurs fois, par la suite sert encore de pilier aux contrôles.

7. Dans les pays en développement, dans bien des cas, la législation a été importé avec l'administration coloniale et bien souvent héritée sans modification des dispositions du pays tuteur. Selon les initiatives prises à l'indépendance, ou après, ces dispositions ont été conservées telles quelles ou bien modifiées. Cependant, la situation prévalante dans ces pays est très différente et requiert bien entendu des adaptations aux systèmes constitutionnels, administratifs, voire culturels, ainsi qu'aux conditions et à l'échelle de production.

B. LA LOI ET LES RÈGLEMENTS: DIFFÉRENCES ET COMPLÉMENTARITÉ

8. Une législation alimentaire complète et facilement applicable comprend deux volets d'essence un peu différente, bien que traitant des mêmes thèmes. On a en effet coutume de distinguer la loi de base et les règlements (ou textes) d'application.

9. Pour les pays qui ont choisi d'avoir une séparation des pouvoirs (législatif et exécutif notamment), la loi de base sur les consommations alimentaires est généralement l'_uvre du pouvoir législatif, à l'instar de toutes les autres lois fondamentales. Cependant, son objet, l'alimentation, est soumis à des changements fréquents, dépendant des progrès techniques dans la fabrication des aliments mais aussi dans la compréhension des dangers pour la santé du consommateur, qui peuvent être inhérents à ces denrées. Il est donc important de faire la distinction entre un corps de principes relativement stables et des règlements précis et qui peuvent être adaptés rapidement à chaque nouvelle situation. Ceci est tout l'objet des réglementations techniques. Celles ci sont élaborées généralement par le pouvoir exécutif, et l'attribution de la capacité à l'élaboration de ces règlements est précisément définie par la loi elle même. La modification des règlements est beaucoup plus aisée et rapide car ils ne relèvent pas du domaine législatif.

10. La loi reste ainsi valide (car ne mentionnant pas de détails qui seraient rapidement périmés), lisible (car ne contenant pas de spécifications touffues, peu intéressantes pour l'ensemble des secteurs) et donc utilisable par tous les acteurs impliqués, qu'il soient consommateurs, industriels ou responsables des contrôles, sans pour autant qu'ils soient juristes.

11. Certains pays ont choisi d'opérer une ultérieure distinction en séparant le concept de norme de celui de règlement d'application de la loi. Mais dans tous les cas, l'ensemble des normes fait partie des textes permettant la mise en _uvre de la loi de base.

12. Ainsi, une loi de base devrait aborder plusieurs thèmes, tels que la définition de ses objectifs fondamentaux, des concepts de base, et de son champ d'application. Elle doit spécifier en outre les compétences pour l'application de la loi, les procédures et moyens d'inspection et d'analyse, leur mise en vigueur, et les sanctions. Elle définira la notion de norme, et proposera les principes de la réglementation des additifs et les procédures pour l'autorisation de leur emploi, celles des pesticides et des contaminants, ainsi que la notion de tolérance qui leur est relative, et les principes liés à l'emballage et l'étiquetage. Enfin, elle spécifiera les procédures pour la préparation et la modification des règlements d'application, ainsi que pour l'abrogation d'une loi antérieure obsolète.

13. Ces bases étant posées par la loi, il est important que la réglementation aborde en détail et avec toutes les spécifications techniques requises les thèmes complémentaires que sont la réglementation générale (qui doit élaborer les normes et la réglementation technique), les normes, les principes d'hygiène alimentaire; les additifs alimentaires; les pesticides, l'emballage et l'étiquetage des aliments, et les mentions portées sur l'aliment de type publicitaire, ou les allégations. A la différence de la loi, les règlements peuvent avoir un caractère obligatoire ou facultatif, mais ceci doit être clairement précisé.

C. LA LOI ALIMENTAIRE DE BASE FAO/OMS

14. La FAO a élaboré en 1977, en collaboration avec l'OMS et avec l'appui du PNUE, un modèle général de loi alimentaire. Ce modèle laisse la porte ouverte à toute adaptation au contexte national mais offre une structure qui permet d'aborder les points importants, nécessaires au bon fonctionnement du système dans son ensemble. Ce modèle a été utilisé dans plusieurs contextes, dans le cadres de projets de coopération technique FAO visant à renforcer le système national de contrôle alimentaire, ou l'une de ses composantes ( Kenya, Laos, Uganda, Zambie, etc.).

15. Le texte de la loi couvre les points suivants:

16. Outre ces considérations, la loi alimentaire doit protéger le consommateur contre la fraude. Elle vise à assurer la loyauté des pratiques commerciales et à légitimer la confiance du consommateur.

D. LA RÉGLEMENTATION

17. Le but principal de la réglementation est de mettre en _uvre la loi de base comme décrite dans les paragraphes précédents. Une réglementation est publiée pour procurer à tous les acteurs des repères précis sur ce qu'ils doivent faire; elle se doit donc d'être accessible à des professionnels qui n'ont pas de connaissance du langage juridique. Elle sera lisible, précise, à jour et facilement modifiable selon l'avancée des connaissances ou des circonstances particulières obligeant à une action rapide des pouvoirs publics. Il peut être judicieux de regrouper l'ensemble des textes ayant trait à l'alimentation au sein d'un recueil (du type "Code de l'alimentation") afin que toutes les administrations s'appuient sur l'ensemble des mêmes textes dans leurs activités liées aux contrôles, et que les professionnels aient un moyen d'être certains qu'ils ont connaissance de tous les textes ayant trait à leur activité.

18. Les textes réglementaires ont en général une portée obligatoire. Ils peuvent aussi offrir une interprétation de la politique en vigueur, afin de faciliter le travail de tous, en particulier des fonctionnaires chargés de faire appliquer la loi.

19. En corollaire direct du contenu de la loi abordé précédemment, la réglementation s'attachera à préciser les modalités des interventions officielles, les délégations des pouvoirs pour les visites d'inspection, les prélèvements d'échantillons, les modalités de paiement des échantillons s'il y a lieu, leur nombre etc.

20. Seront également abordés en détails les thèmes suivants:

21. Un volet important est bien sûr constitué par l'ensemble des normes. Elles sont utiles à tous les acteurs (producteurs, commerçants, consommateurs et officiels du contrôle), afin de fournir un référentiel commun qui définisse les termes de l'échange. Elles doivent décrire l'aliment de façon complète, ainsi que le contexte de son utilisation: national, régional ou international. Outre la mention de la composition autorisée ou des limites relatives, les normes peuvent aussi faire référence à un code d'usages déterminé. Elles incluront aussi des spécifications quant à l'étiquetage, l'emballage, aux méthodes d'analyse et d'échantillonnage. A titre d'exemple, le Codex Alimentarius a ainsi élaboré sur ce modèle plus de 237 normes internationales concernant les produits.

22. L'élaboration des normes est un processus dynamique qui doit impliquer conjointement :

23. Deux types de normes sont à distinguer : les normes verticales, spécifiques aux produits (exemple: jus d'ananas) et les normes horizontales, qui concernent des dispositions valables pour tous les produits (exemple: dispositions générales relatives à l'étiquetage des aliments).

24. Ces recueils de normes sont complétés par des codes d'hygiène. Ceux-ci concernent un secteur d'activité et connaissent les mêmes modes d'élaboration que les normes, impliquant industriels, fonctionnaires de l'état, scientifiques et consommateurs. Ces codes fournissent des recommandations relatives aux matières premières à utiliser et à leur production, aux types d'installations et d'équipement dans l'unité de production, aux prescriptions d'hygiène à respecter lors de la production, au contrôle à opérer et à la santé du personnel. A l'échelon international, quarante et un codes ont été ainsi élaborés par la Commission du Codex Alimentarius.

25. Il peut être intéressant de développer trois thèmes méritant l'attention des législateurs : les additifs alimentaires, les pesticides et l'étiquetage.

(i) Les additifs alimentaires

26. Les additifs sont aujourd'hui largement utilisés afin de préserver ou d'augmenter la valeur des aliments (agents de conservation, ralentissant l'activité des micro-organismes; antioxygènes, retardant le rancissement des graisses; texturants, colorants, arômes etc.). Quels que soient les bénéfices liés à leur utilisation, il reste indispensable de contrôler leur emploi, à la fois en terme d'évaluation initiale (évaluation de la toxicité de la molécule, et des doses autorisées) mais aussi en terme de quantités effectivement employées par l'industrie.

27. Des listes d'additifs autorisés ou non sont ainsi dressées. Avec l'évolution permanente des techniques, il est particulièrement important de ne pas figer ces textes dans la loi, mais leur mention dans la réglementation permet de les réviser aussi souvent que nécessaire.

28. Un système de listes positives mentionne tous les additifs autorisé ; ceux qui n'y figurent pas sont donc interdits. Inversement les systèmes de listes négatives mentionnent tous les additifs dont l'emploi est illégal; ceci sous entend que tous les autres voient leur emploi autorisé alors qu'ils n'ont pas toujours été sujets à évaluation toxicologique préalable dans le cas de nouvelles molécules. Ces études relèvent, au niveau international, du Comité mixte d'experts FAO/OMS sur les additifs alimentaires et les contaminants, le JECFA. A ce jour, 1005 additifs alimentaires ont été évalués et les résultats de ces évaluations sont publiés par la FAO et l'OMS dans les séries de publications appropriées.

29. Ce même comité produit également des études concernant les contaminants présents dans les denrées alimentaires (mycotoxines, métaux lourds etc.) et propose là aussi des limites maximales, qui doivent être intégrées dans la réglementation.

(ii) Les pesticides

30. Là encore, des groupes d'experts internationaux, les Réunions mixtes FAO/OMS sur les résidus de pesticides (JMPR), évaluent les différents pesticides, leur usage, leur toxicité et proposent des limites maximales pour leurs résidus dans l'alimentation: 185 pesticides ont ainsi été évalués et 3274 limites ont ainsi été proposées pour les différents produits. La réglementation nationale doit non seulement tenir compte de ces limites, mais aussi considérer différents aspects liés à l'emploi correct des pesticides, imposer une distinction entre les semences traitées et les graines pour consommation directe etc.

(iii) L'étiquetage des denrées alimentaires

31. Un étiquetage complet est l'un des meilleurs outils de protection du consommateur et permet de résoudre bien des débats sur l'autorisation de telle pratique de production, qui n'est pas nécessairement toxique, mais qui peut heurter certaines réticences culturelles et légitimes du consommateur. Il restitue à l'utilisateur final sa liberté de choix tout en l'informant sur les caractéristiques du produit.

III Evolutions récentes dans l'approche au contrôle de la qualité et de la salubrité des produits alimentaires

32. Au lendemain de la seconde guerre mondiale la communauté internationale se réunit pour négocier les nouvelles règles du commerce international. De cycle en cycle, les négociations aboutirent, en 1994, à Marrakech, à la fondation de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), fille naturelle du General Agreement on Tariffs and Trade (GATT). Le dernier cycle de négociations, généralement dénommé Cycle de l'Uruguay, s'est penché sur l'épineux problème qu'est l'agriculture, et ses produits, les denrées alimentaires. Le premier principe fixé par les accords de Marrakech repose sur la libre circulation des marchandises, et en particulier des denrées alimentaires. Les pouvoirs publics ont donc pour mission de tout mettre en _uvre pour faciliter ces échanges. Leur restriction, par des mesures de contrôle, ou des dispositions réglementaires doit répondre uniquement à des objectifs légitimes. Afin de donner un cadre plus précis à cette situation, deux accords ont été conclus, qui concernent particulièrement les produits alimentaires: l'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (abrégé en SPS) et l'Accord sur les obstacles techniques au commerce (dit OTC).

33. Il doit être rappelé que les engagements juridiques contractés par la signature des accords de Marrakech ont une valeur supérieure aux lois nationales elles mêmes. L'OMC a par ailleurs été doté des instances qui permettent de sanctionner avec plus d'efficacité qu'auparavant le non respect des engagements pris.

34. L'essence de ces deux Accords, l'un faisant référence spécifiquement à la salubrité et l'autre à la qualité des denrées alimentaires, est de limiter au maximum les obstacles posés aux échanges par des mesures de protectionnisme non justifiables. La communauté internationale est donc fortement encouragée à se référer à tous les textes ayant été soumis à un consensus international. Dans le cas de l'accord SPS, les termes sont particulièrement clairs: le Codex Alimentarius est spécifiquement cité comme la référence internationale en terme de salubrité des denrées alimentaires. Ceci confère bien entendu aux normes Codex un statut différent de ce qu'elles ont pu avoir par le passé. La décision a d'ailleurs été prise, dans le cadre du Codex, de donner une importance plus particulière aux normes horizontales concernant les additifs alimentaires, les contaminants, l'étiquetage etc. En parallèle, les normes spécifiques aux produits sont allégées de toutes les mentions plus générales. Ces dispositions n'excluent cependant pas le droit pour chaque état de déterminer son propre niveau de protection du consommateur. Il va de soi qu'un niveau de protection élevé, supérieur à celui négocié au plan international, doit être solidement justifié par des arguments scientifiques reconnus.

35. Dès lors, on comprend tout l'intérêt de revoir la législation nationale et de la comparer aux normes internationales en vigueur, en particulier celles du Codex, pour prendre conscience des différences et de leurs implications. A titre d'exemple, des normes plus strictes appliquées aux importations devront être justifiées. De manière générale, le renvoi aux textes du Codex devrait être inclus dans la loi générale, en en précisant les conditions.

36. Dans tous ces processus de justification, il est fortement recommandé d'appliquer les principes de l'analyse des risques, comprenant les étapes de l'évaluation, la gestion et la communication sur les risques. L'évaluation des risques en elle même comprend plusieurs étapes, dont une qui implique l'évaluation de l'exposition au danger considéré. Ceci sous entend donc que le pays ait une connaissance réelle des consommations, et des niveaux éventuels de contamination, et que soit prévue dans sa législation une structure assimilable à un "Observatoire des consommations" formée de personnalités scientifiques reconnues pour leur compétence en la matière.

37. Deux principes prévalent au sein de ces accords, et doivent être reflétés par les législations nationales. Il s'agit des principes de proportionnalité et de réciprocité.

38. Le principe de proportionnalité suppose que la mesure administrative ou réglementaire a tout d'abord un effet réel de protection ou de régulation pour satisfaire l'objectif légitime reconnu par l'OMC. Ce principe implique également que la mesure, eu égard à l'objectif à atteindre, est proportionnée, non déraisonnable vis-à-vis des atteintes au principe de liberté. C'est pourquoi il est demandé à l'administration de rechercher la mesure la moins attentatoire possible aux droits économiques des opérateurs. Elle implique également que les sanctions soit proportionnées au préjudice éventuel causé par le non respect des mesures réglementaires. En application de ce principe de proportionnalité, les Etats sont également invités à mettre en place des procédures fondées sur le principe de la confiance commerciale dans les opérateurs économiques et sur la responsabilité professionnelle. Enfin devant les instances internationales c'est à l'Etat qu'il appartient d'amener la preuve de la proportionnalité et de la pertinence scientifique de ses mesures de contrôle et de réglementation.

39. Pour ce qui concerne le principe de réciprocité, les accords de Marrakech établissent le principe de la reconnaissance mutuelle des législations techniques et commerciales. A la condition que ces mesures ne soient pas inférieures aux normes internationales recommandées et sous réserve de réciprocité, les produits fabriqués conformément à la réglementation du pays exportateur sont en libre pratique dans le pays importateur. Plus encore, les procédures et dispositifs de contrôle de l'Etat exportateur sont réputés équivalents aux procédures et contrôles de l'Etat importateur.

40. Enfin la notion de procédures de vérification de conformité à la législation du pays importateur est étroitement liée aux concepts précédents. C'est en effet un droit du pays importateur, mais qui peut être exercé dans la mesure où ces vérifications n'ont pas d'effet restrictif sur les importations. En lien avec le principe de proportionnalité, les vérifications systématiques sont considérées comme excessives. Sont par ailleurs encouragées les procédures de vérification mises en _uvre par les entreprises elles mêmes, et qui tout en maintenant l'objectif de protection du consommateur, facilitent les échanges.

41. En lien avec ce qui a été expliqué plus haut et les deux accords clé, SPS et OTC, deux concepts se dégagent toujours plus fortement de la réglementation: le concept d'innocuité et le concept de qualité.

A. L'INNOCUITÉ DES DENRÉES ALIMENTAIRES

42. Bien que le concept de l'innocuité d'une denrée semble a priori relativement immédiat, si l'on tient compte de la chaîne de production et de commercialisation, il devient plus difficile à gérer: l'aliment doit être sain au moment où il est consommé. Etant donné la multiplicité des intervenants de la chaîne, il n'est pas raisonnable d'imposer l'obligation de sécurité à un seul échelon de la filière; on convient cependant que l'auteur de la première mise sur le marché est responsable de s'assurer que la denrée réponde bien à ce moment précis aux normes de sécurité admises. Ceci n'est pas sans poser quelques problèmes de définition que les textes réglementaires se doivent d'établir: qu'est ce qu'une première mise sur le marché, dans un contexte où tant de transformations se succèdent?

43. En outre, tant d'intervenants sont impliqués, dont on ne peut raisonnablement exiger la responsabilité que sur la partie qui est sous leur contrôle. Ils ne peuvent pas non plus et pour autant être totalement dégagés de cette responsabilité pour le motif qu'ils ne sont que partie de la chaîne.

44. Tout ceci permet d'introduire le concept de responsabilité professionnelle, qui comporte bien plus que la réparation, en cas de dommages, difficilement chiffrables et compensables, lorsqu'ils affectent la santé. Celle-ci intervient plutôt en termes de prévention du dommage et a pour conséquence immédiate le principe d'auto contrôle, qui est progressivement introduit dans les textes législatifs et réglementaires nationaux, la part de l'état évoluant elle vers le contrôle du contrôle, l'audit des systèmes de contrôle mis en place par les producteurs, et par là même, est aussi redéfinie dans ces textes.

B. LA NOTION DE QUALITÉ

45. Les dispositions précédemment mentionnées, concernant l'innocuité des denrées, contribuent bien sur à la qualité des denrées, mais que l'on pourrait qualifier de "plancher". le concept de qualité est plus large et a longtemps été décrit en termes trop généraux pour permettre sa codification dans les textes législatifs. Cependant, certains types de denrées, telles que les vins, ont fait très tôt l'objet de spécifications précises.

46. La logique économique veut que ces caractéristiques de la qualité soient définies, mesurables et contrôlables pour en faire une composante intrinsèque et chiffrable de la denrée.

47. Différents signes peuvent être identifiés, tels que:

48. A la différence des considérations relatives à l'innocuité, la démarche qualité reste volontaire. Elle doit cependant être identifiable selon un code clair pour le consommateur, et fiable grâce à l'action d'un organisme tiers, certificateur et agréé par l'autorité publique compétente.

(iv) Salubrité des aliments et action administrative -
Procédures de contrôle

49. Le principe de salubrité étant ainsi posé, avec ses conséquences immédiates sur les obligations du professionnel (autocontrôle notamment) ainsi que sur le niveau d'appréciation du concept ("première mise sur le marché" entre autres,) il convient d'examiner quelle approche l'administration de contrôle doit avoir de la sécurité dans ses actions sur le terrain. Par "administration de contrôle", il faut entendre l'ensemble des services publics compétents en matière de contrôle des aliments. Quel est, dans ces conditions, l'esprit (sinon le contenu détaillé) des pouvoirs à prévoir en faveur des administrations chargées du contrôle de la salubrité des aliments?

50. En premier lieu, ces pouvoirs d'intervention doivent se situer dans le cadre d'une police administrative (et non pas judiciaire). Il s'agit essentiellement, non de réprimer, mais de prévenir, afin d'éviter qu'une denrée jugée inapte, ou potentiellement dangereuse (a fortiori dangereuse) ne soit commercialisée. Ces pouvoirs doivent se traduire par la faculté de retirer du marché, temporairement ou définitivement, une telle denrée, ou encore de contraindre le professionnel à reprendre lui-même le produit, pour une destination appropriée. Suivant l'évaluation du risque, la mesure administrative doit relever de l'appréciation d'un agent de contrôle ou d'une Autorité administrative, ou même, dans les cas les plus extrêmes, du Ministre compétent.

51. Enfin, il est clair que le contrôle administratif ainsi évoqué doit être compatible avec les pouvoirs de police judiciaire dévolus de longue date aux agents chargés du contrôle alimentaire. Cette nécessaire adéquation soulève dès lors un problème beaucoup plus large, qui sera évoqué plus loin.

A. LES AUTORITÉS CONSULTATIVES INTERVENANT DANS LA SALUBRITÉ DES ALIMENTS ET LA PRÉVENTION DES RISQUES

52. L'importance de l'innocuité des denrées alimentaires pose le problème de la nécessité d'une Autorité autonome et compétente pour assister les instances gouvernementales concernées dans l'évaluation des risques et dans les prises de décision touchant le droit de l'alimentation. L'intervention d'un tel organisme scientifique est d'autant plus nécessaire que les accords de l'OMC prévoient que "les mesures sanitaires ou phytosanitaires [des Etats signataires] soient fondées sur des principes scientifiques et qu'elles ne soient pas maintenues sans preuves scientifiques suffisantes" (accord SPS art. 2.2). Le même accord dispose par ailleurs que les réglementations soient élaborées  "sur la base d'une évaluation des risques pour la santé et la vie des personnes et des animaux compte tenu des techniques d'évaluation des risques élaborées par les organisations internationales compétentes" (accord SPS. Art. 5.1). De nombreux travaux internationaux ont été consacrés par les organisations compétentes (FAO, OMS, et Commission du Codex Alimentarius) à la notion de risque et à la façon d'aborder ce problème (cf. à ce sujet aux définitions adoptées par la Commission du Codex Alimentarius à sa session de juin 1997). L'approche scientifique des risques a été l'occasion pour l'Organisation mondiale du commerce (OMC) de souligner son importance en prévoyant qu'elle servirait de référence en cas de litiges commerciaux au plan international.

53. Il est donc à la fois légitime et impératif de mettre en place, au niveau national, l'organisme scientifique apte à apprécier les risques, à émettre un avis sur les réglementations qui prétendent les éliminer ou les limiter à un niveau acceptable et ceci, dans le contexte alimentaire et nutritionnel national.

B. LES RÉFÉRENCES RÉGLEMENTAIRES RECONNUES DANS LE CADRE DES ACCORDS INTERNATIONAUX

54. Pour répondre à ces engagements, il convient d'énumérer quelques principes intermédiaires:

55. Pour ce qui concerne les sources et les bases réglementaires applicables aux produits:

C. LES PROCÉDURES DE VÉRIFICATION RECONNUES DANS LE CADRE DES ACCORDS INTERNATIONAUX

56. Pour ce qui concerne les procédures de vérification de la conformité à la législation du pays importateur ou à une des législation considérée comme équivalente:

D. LES OBJECTIFS ET LES CARACTÈRES GÉNÉRAUX
DES CONTRÔLES

57. Les pouvoirs publics doivent fixer une stratégie des vérifications pour prévenir la mise sur le marché des denrées alimentaires non conformes aux principes définis par la loi et aux recommandations des instances internationales: ils doivent être organisés dans ce but. A cet effet, la seule répression a posteriori et l'inspection sur les produits finis ne sauraient répondre à ces objectifs de prévention. De même apparaît la nécessité de la coordination des contrôles des différents services en considération de ce but de prévention et d'amélioration de la qualité. La méthodologie des vérifications doit être telle que les denrées soient effectivement contrôlées ce qui implique une large vision du champ d'application des contrôles eu égard à la complexité de la mise en _uvre de la production et du commerce des denrées alimentaires.

E. LES AUTORITÉS CHARGÉES DES VÉRIFICATIONS ADMINISTRATIVES

58. La loi doit fixer les compétences d'intervention et d'injonction des autorités administratives habilitées à exercer les vérifications et à organiser les contrôles. Cette compétence doit être exercée au niveau central et confiée à un ministre spécialement désigné pour pouvoir agir avec rapidité. Une même définition des compétences doit être faite au bénéfice des autorités déconcentrées qui sont déléguées de l'Administration centrale. La liste des mesures administratives de prévention figure au nombre des pouvoirs de police administrative spéciale, et en particulier des mesures individuelles susceptibles de recours hiérarchique et en excès de pouvoir. Il faudra ici encore radicalement distinguer ces pouvoirs d'intervention avec les pouvoirs de réglementation.

F. LES POUVOIRS DE VÉRIFICATION DES AGENTS DE L'ADMINISTRATION

59. S'agissant de contrôles en entreprise, les pouvoirs des agents doivent être expressément codifiés en tant que pouvoirs de police administrative. C'est pourquoi des développements précis de la loi devront être consacrés à ces pouvoirs. Les possibilités de pénétrer dans les entreprises pour procéder à des enquêtes, la possibilité ouverte de saisir des documents, des objets, des produits ou de les consigner temporairement constituent des atteintes portées à la liberté et à la propriété individuelle: c'est pourquoi seul le législateur est habilité à agir dans ce domaine.

60. S'agissant enfin de mesures de prévention, il a paru utile d'ouvrir aux agents de vérification la possibilité de faire des recommandations et de prodiguer des conseils aux opérateurs économiques pour satisfaire aux objectifs de conformité. On évoquera tout spécialement les petites entreprises fabriquant et commercialisant des denrées et qui sont souvent mal informées et mal organisées.

G. LA PROTECTION DES DROITS INDIVIDUELS

61. Un soin particulier devra être apporté aux droits des personnes responsables des denrées vérifiées. C'est pourquoi devront être expressément rappelés, bien qu'elles ne fassent que formaliser les règles en usage en droit public, les modalités assurant la transparence, les recours et les garanties individuelles. Ainsi, sous le principe de proportionnalité, et à peine de nullité des procédures engagées, devront être réalisés au cours des vérifications:

(v) Conclusion:

62. La législation alimentaire, avec ses diverses composantes (loi de base, textes d'application, arrêtés, décisions, etc.) constituent la base du contrôle alimentaire et le fondement d'une action efficace pour protéger le consommateur et assurer la loyauté dans les transactions des produits alimentaires à l'échelle nationale et internationale. Les derniers développements apportés par les Accords de l'OMC relatifs à l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) et aux obstacles technique au commerce (OTC) ont nécessité des ajustements dans les principes et les règles qui gouvernent les échanges commerciaux des produits alimentaires entre les pays membres de l'OMC. Ces ajustements, en particulier ceux relatifs à l'analyse des risques, à la proportionnalité et à la réciprocité des mesures sanitaires et phytosanitaires, à la responsabilisation des opérateurs économiques, à l'équivalence et à la reconnaissance mutuelle des systèmes de contrôles entre partenaires commerciaux, ouvrent la voie pour une vision nouvelle des lois et règles qui régissent le contrôle alimentaire. Une vision qui favorise la prévention au dépend de la répression, tout en assurant au consommateur les garanties nécessaires sur la qualité et l'innocuité de son alimentation. La loi alimentaire de base FAO/OMS offre un modèle intéressant pouvant être adapté pour tenir compte de ces développements et des conditions spécifiques de chaque pays.